Portrait du chef de base du Yacht Club Boulonnais

Rocco Di Muro

Portrait de Rocco Di Muro, chef de base du Yacht Club Boulonnais, interrogé dans le cadre de l'Observatoire photographique des paysages "la terre vue de la mer".

Qui êtes-vous, et pouvez-vous nous décrire votre lien personnel, professionnel à ce littoral ?

Je m’appelle Rocco Di Muro, je suis le directeur de la base de voile de Boulogne, le Yacht club boulonnais. Je suis à Boulogne depuis 2018. La base de voile de Boulogne a plusieurs intérêts. On donne des cours de voile pour les petits de toutes tranches d’âge ainsi que pour les adultes.
Nous sommes aussi attachés au centre social et à plusieurs écoles de l’agglomération de Boulogne-sur-Mer. Tous les samedis, il y a des enfants qui apprennent à faire de la voile chez nous. Depuis 5 ans, nous leur faisons découvrir la mer, les milieux marins, les sens marins, les vagues et tout le reste. On les accompagne aux compétitions et pour ceux qui le souhaitant à préparer les concours pour devenir moniteur. Les enfants qui s’inscrivent se mettent en sécurité parce qu’ils connaissent les courants, les marées, comment se comporter dans les vagues, les vents faibles, les vents de terre… cela les accompagne aussi pendant leur croissance, jusqu’à ce qu’ils deviennent adultes. Ceux qui le souhaite peuvent rester à travailler chez nous dans le cadre d’un premier job en saison estivale.  
Nous faisons aussi des stages pendant les vacances, l’été, à la Toussaint à Pâques. Ce sont des stages ouverts à tout public. Nous proposons un stage « moussaillon » pour les enfants de 3 à 5 ans associant découverte du milieu marin et cours de voile à proprement dit. Les enfants sont tous différents, mais partage une forte motivation ou intérêt pour apprendre et faire des choses. S’ils n’ont pas envie il faut savoir les motiver. Ce qui est intéressant avec ce public-là, c’est qu’ils découvrent la mer. Ça leur permet de se sentir bien en bord de mer et de se sentir en sécurité. Ils développent une conscience. Ils découvrent et connaissent la faune et la flore locale et apprennent à la respecter. Ce type de stage est assez peu commun pour des enfants de cette tranche d’âge.
 

Rocco Di Muro, chef de base du Yacht Club Boulonnais

Rocco Di Muro, chef de base du Yacht Club Boulonnais

François David photographe

Rocco Di Muro, chef de base du Yacht Club Boulonnais

François David photographe

Nous proposons aussi des activités handivoile sur le voilier habitable GOD 35 et aussi des Team building pour les entreprises mais toujours dans cet esprit-de transmission. Aujourd’hui on est habitué à acheter un produit. On va à Biarritz, on achète la vague, on va surfer la vague. Nous cherchons à aller un peu au-delà. On doit prendre « la mer » avec l’ensemble de ces paramètres.
Parfois elle est calme, parfois formée, il faut respecter ce qu’elle nous donne et s’adapter aux conditions météorologiques. Au Yacht-Club-Boulonnais nous cherchons à profiter au mieux de tout ce qu’elle permet, sans chercher à tout prix le meilleur spot de catamaran ou de funboard par exemple. Le regard des stagiaires change souvent au fil de leurs formations. Les stages comprennent une part technique, météorologique, philosophique, une partie connaissance de soi même.

Pointe anticlinal de la Crèche - hiver 2020

Pointe anticlinal de la Crèche - hiver 2020

François David photographe

Pointe anticlinal de la Crèche - hiver 2020

François David photographe

Qu’est-ce qui selon vous fait la spécificité de ce littoral ? Qu’est ce qui est le plus marquant ?

Il y a plusieurs évolutions que l’on peut constater. Parfois on pourrait dire que l’on a quelque chose de super en face de nous, mais que l’on ne le voit pas. Je ne suis pas Boulonnais, je suis italien. La ville de Boulogne-sur-Mer a connu plusieurs époques, plusieurs rôles. Port de pêche historique, au début du siècle c’était une ville où les familles plutôt fortunées s’y installaient, ensuite l’industrialisation et la métallurgie lourde ont amené des ouvriers et une classe populaire.
Dans les cours de voile que nous organisons, nous retrouvons une grande diversité de milieux sociaux. Ce que je remarque c’est que les enfants n’ont pas forcément une culture marine. La mer est à côté mais on ne la vie pas comme une richesse. On n’est pas toujours conscient que la mer fait partie de la ville de Boulogne, et la population n’en profite pas forcément. Il y a cependant un intérêt croissant pour la mer. La partie négative c’est que cela peut entraîner une exploitation basique de la mer, sans prise de conscience de la fragilité des milieux. Mais les jeunes générations sont de plus en plus conscientes de ces enjeux.

 

Personnellement je trouve qu’il y a une hypocrisie sur les sujets environnementaux, une approche très superficielle. Cette culture liée à l’environnement, resurgit en réalité, car trois ou quatre générations auparavant il existait déjà une forte attention pour l’environnement, une approche durable du cadre de vie, avant que l’on tombe dans la société de consommation. Le travail et la façon de vivre étaient plus proches de la nature, même s’ils n’étaient pas associés à une conscience des enjeux environnementaux. Il y a des choses que l’on semble redécouvrir aujourd’hui...

Ici il y a une culture du littoral très forte. Il y a des groupes de passionnés qui publient des photos de la côte. Il y a un amour pour le territoire. Ça c’est intéressant.
Quand on voit la force des vagues, on se rend compte que la mer est potentiellement une ressource énorme en énergie et je ne comprends pas pourquoi toutes les forces vives à l’échelle nationale et européenne n’ont pas trouvé la manière la plus efficace d’utiliser cette puissance.
Ce qui est important pour moi dans la préservation du littoral c’est d’impliquer tous les gens qui travaillent directement sur le territoire. Ils jouent un rôle essentiel de protection du patrimoine, un rôle de sentinelle. Ils savent s’il y a quelque chose qui ne va pas.

Percevez-vous des évolutions de ces paysages littoraux ?

J’aime particulièrement l’estran et la Pointe de la Crèche, quelle que soit la saison. Toutes les saisons sont intéressantes. Par beau temps ou tempêtes les paysages sont très beaux. Je navigue beaucoup dans la rade. Pour la navigation d’école vague c’est un des meilleurs spots de France car nous sommes abrités même par mauvais temps. On a les deux digues qui nous abritent par des conditions de vent très forts, la rade offre aussi de bonnes conditions de navigation avec un vent modéré. Je navigue ici car j’ai mon matériel sur place. Il y a d’autres spots intéressants comme le Gris-Nez et Blanc-Nez. Il y a ici une diversité de pratiques, planche à voile, kite, kayac, et plongée sous-marine. Ces praticiens ont forcément une bonne connaissance de la mer. Ils connaissent la puissance des courants. Ils ont le sens marin et sont connectés aux éléments.  Peut-être que ma saison préférée c’est l’hiver, il y a moins de monde. Sur notre plan d’eau, on connaît parfaitement les courants, la mer, on peut voir assez facilement lorsqu’il y a quelque chose de différent d’une semaine à l’autre, d’un jour à l’autre, d’une année à l’autre. Il y a une richesse marine importante avec énormément de poissons. L’année dernière on a vu pas mal de bancs de marsouins et quelques bancs de dauphins.

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