Portrait d'une guide nature à Ambleteuse - Wissant

Caroline Géneau

Portrait de Caroline Géneau, guide nature à Ambleteuse - Wissant, interrogée dans le cadre de l'Observatoire photographique des paysages "la terre vue de la mer".

Qui êtes-vous, et pouvez-vous nous décrire votre lien personnel, professionnel à ce littoral ?

Je suis née à Valenciennes et j’ai passé toutes les vacances de mon enfance dans la Baie de Canche. J’ai rencontré mon mari à Lille en 1984 où je faisais mes études et nous avons continué à venir en vacances à Ambleteuse dans la Villa de mes beaux-parents.
J’ai travaillé ensuite en région parisienne où j’ai dirigé pendant 25 ans un magasine d’art de vivre et de jardins Mon jardin et ma maison vendu en 2014 par le groupe Lagardère et n’ai pas poursuivi à ce moment-là l’aventure.
Nous cherchions alors un lieu à restaurer pour passer notre retraite. En arrivant ici j’ai pris possession des lieux et ai commencé à participer aux sorties avec EDEN 62 gestionnaire des sites, du Conservatoire du littoral. Assez rapidement j’ai pris des notes et je me suis dit que ce métier de guide nature pouvait être le mien. J’ai une double formation à Lille Maîtrise de biologie des organismes où j’avais abordé la biologie végétale, biologie animale, géologie et écologie. Ensuite j’ai rejoint une école d’ingénieur agronome spécialité horticulture pour ma deuxième passion, le jardin. Je n’ai pas de formation de journaliste. Me voici avec cette double compétence dans un milieu où tout était à faire au niveau jardin. J’y ai passé beaucoup de temps, également à découvrir l’environnement avec les bases assez solides d’une vraie passion.
 

Caroline Géneau, guide nature à Ambleteuse - Wissant

Caroline Géneau, guide nature à Ambleteuse - Wissant

François David photographe

Caroline Géneau, guide nature à Ambleteuse - Wissant

François David photographe

J’ai pris une formation de guide nature avec Pôle Emploi par correspondance ; module qui se fait en trois ans et que j’ai souhaité faire en une année car j’avais du temps et possédait les bases ce qui m’a aussi permis parallèlement de prendre contact avec les acteurs du territoire. Ils sont nombreux : Parc Naturel Régional, Grand Site de France, Conservatoire du littoral, Natura 2000. Tous ces personnes je suis allé les voir en leur disant que j’avais l’idée de devenir guide nature. L’idée n’était pas de bousculer les choses mais d’être partenaire, de m’intégrer dans les structures tout en restant indépendante…C’était en 2018, j’ai eu la chance d’être en couveuse d’entreprise, ce qui m’a permis de tester mon nouveau métier.
Les personnes qui s’inscrivent viennent pour apprendre des choses mais aussi la convivialité et l’éveil à la nature. Je le fais avec passion car j’aime les gens, j’aime accueillir des groupes, créer des liens et je suis maintenant débordée. J’ai un public de familles, de grands-parents qui viennent avec leurs petits-enfants dans l’objectif d’éveiller les enfants à la nature, à l’érosion. Également des personnes intéressées par la géologie du lieu.

Pointe de la Courte Dune et Cap Gris-Nez - hiver 2020

Pointe de la Courte Dune et Cap Gris-Nez - hiver 2020

François David photographe

Pointe de la Courte Dune et Cap Gris-Nez - hiver 2020

François David photographe

Qu’est-ce qui selon vous fait la spécificité de ce littoral ? Qu’est ce qui est le plus marquant ?

L’estran à marée basse est important, rien que pour le bien être de pouvoir marcher sur la plage. Si l’on observe des oiseaux on commente pour ensuite prendre de la hauteur et valoriser le site en parlant d’une de ces caractéristiques, les champs qui se jettent dans la mer sont façonnés par l’agriculture, les paysages sont faits par les paysans. Victor Hugo l’a décrit beaucoup mieux que moi. Le site des Deux Caps est un site terre-mer. On profite des bienfaits de la mer et très vite, on est en hauteur et on le sentiment d’être dans la campagne. On a une flore différente, des papillons, des oiseaux. Le Pipit maritime est très présent sur le site, il a la particularité de voler et de se laisser tout d’un coup tomber à la verticale. Lorsque l’on se trouve au ras des falaises on le voit à hauteur des yeux et on l’observe alors facilement. La baie de Wissant est l’un des rares endroits où l’on voit l’arrière-pays. C’est une aire géologique où 100 millions d’années séparent les 2 Caps, distants seulement de 12km. C’est pour cela que je choisis la photographie de la courte dune. C’est aussi parce que j’y fait des sorties spécialisées autour des moules de bouchot. C’est plus anecdotique, cette activité humaine me permet d’expliquer la différence entre les pieux brises lames qui sont à Wissant de ceux au pied du Gris-Nez où l’on cultive les moules. Confronter les interventions humaines pour protéger la nature de celles pour faire de l’élevage. On part de la Sirène à marée basse, on est sûr de pouvoir passer la courte dune et on fait la descente vers le Châtelet dont le pont de bois à disparu, il était trop dangereux. On ne peut plus revenir par la plage, on contourne le Châtelet par l’intérieur et on revient sur le parking en amont.
 

J’aime bien cette plage car l’on peut l’aborder par Tardinghen ou par le Gris-Nez. C’est une plage de sable mais c’est aussi une plage de tourbe. La tourbe me permet d’aborder l’histoire d’il y a 20 000 ans, d’expliquer la décomposition de la matière organique. C’est une plage qui nous permet de parler de l’estran et de gagner la courte dune et j’aime beaucoup ce chemin qui permet de remonter sur le sentier des douaniers qui est magnifique. On observe à l’instant T mais je prends soin de ne jamais tirer de conclusions.
Ce qui me touche le plus dans ces paysages que j’arpente plusieurs fois par jours c’est leur diversité, que cela soit à marée haute ou marée basse les paysages sont multiples, les histoires à raconter sont variées.

Percevez-vous des évolutions de ces paysages littoraux ?

Ce qui est regrettable en ce moment c’est que l’on ne peut plus faire le chemin des douaniers à n’importe quel moment de la journée. Il y a des tronçons que l’on ne peut plus faire à marée haute car le sentier disparait. Les continuités ne sont pas toujours recréées. Ce sont des transformations visibles à échelle humaine.

Des tempêtes spectaculaires il y en a toujours eu et depuis quelques années, dans les deux trois jours suivants vient toujours une nouvelle forte tempête entraînant des conséquences beaucoup plus importantes. Il faut donc maintenant agir vite.
Il y a des endroits qui disparaissent complétement sous le sable, globalement sur la plage de Tardinghen le niveau de la plage baisse. A marée basse, nous pouvions avoir une plage assez plate maintenant il y a un faux plat. La plage se creuse énormément.
Quand les gens veulent vraiment vivre des tempêtes, je les emmène au Gris-Nez, symboliquement c’est le point le plus proche de l’Angleterre, dans la pointe du détroit et là il y a un belvédère du vent où l’on a l’effet de falaise. On avance et on est happé car le vent frotte sur la falaise et là on se rend compte aussi à quel point le vent dès qu’il a un obstacle, s’appuie et prend de la force, comme les oiseaux qui s’appuient sur les masses d’air pour reprendre de l’énergie. C’est une prise de conscience, permettant de vivre les sensations et de se rendre compte de la force de la nature.

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