Portrait d'un moniteur de voile à Quend

Arnaud Dambreville

Portrait d'Arnaud Dambreville, moniteur de voile à Quend, interrogé dans le cadre de l'Observatoire photographique des paysages "la terre vue de la mer".

Qui êtes-vous, et pouvez-vous nous décrire votre lien personnel, professionnel à ce littoral ?

Je suis de Saint Valery sur Somme à la base. J’ai commencé en faisant de la compétition en kayak de mer et je me suis dirigé naturellement vers sorties en kayak en Baie de Somme. Ayant envie de faire des loisirs sportifs mon métier je suis venu travailler à l’école de char à voile de Quend Plage OZONE pendant 7 ans, ou j’y ai fait une formation professionnelle de moniteur de char à voile et de kayak de mer. Ayant envie de continuer à évoluer et de découvrir les sports de nature, j’ai complété ma formation par un BPJEPS Voile qui m’a conduit à devenir directeur à l’école de voile de Fort-Mahon Plage, EVEILS, où je suis resté 7 ans aussi. A ce jour je suis prestataire indépendant en randonnées kayak et je rayonne sur le littoral avec ma structure 3D NATURE. On travaille principalement depuis les vacances de printemps à l’automne. Et pendant la saison d’hiver, je vais chercher les informations sur ce que j’ai pu remarquer sur le littoral, pour les diffuser auprès de mes clients l’été. Pour moi, les activités nautiques que je pratique sont un support de découverte pour faire découvrir la côte aux visiteurs, les problématiques liées à l’environnement, aux milieux naturels, donner des notions d’écologie, de nettoyage de plage… C’est un bon moyen de faire prendre conscience aux gens qu’on est dans un espace qu’il faut respecter et dont il faut prendre soin, c’est un partage. Je pratique ici depuis une quinzaine d’années en long en large en travers, en char à voile, en catamaran, en kayak en paddle… Je connais par cœur les dunes, même si elles bougent. Nous, en kayak, on n’utilise pas de GPS ! Tous les éléments un peu remarquables, comme les siffle-vents sont des points de repère pour les marins.

Arnaud Dambreville, moniteur de voile à Quend

Arnaud Dambreville, moniteur de voile à Quend

François David photographe

Arnaud Dambreville, moniteur de voile à Quend

François David photographe

Bouchots, Marquenterre - été 2020

Bouchots, Marquenterre - été 2020

François David photographe

Bouchots, Marquenterre - été 2020

François David photographe

Qu’est-ce qui selon vous fait la spécificité de ce littoral ? Qu’est ce qui est le plus marquant ?

On est assez atypique car il n’y a pas beaucoup d’endroits en France on a 20 km de côtes comme celles-ci. Les dunes sont classées, le trait de côte est protégé c’est un atout majeur, c’est ce qui permet d’avoir un caractère sauvage. Il ne pourra jamais y avoir de quai ou de digue de Quend à Fort Mahon par exemple ! On a encore des espaces naturels qu’il faut absolument préserver, pour ne pas devenir comme en Belgique où tout est construit. Ici on a un espace qui est très grand, très large, c’est ce qui est agréable pour les activités. C’est un espace de liberté, c’est ce que les gens viennent chercher. Et l’avantage ici, c’est qu’on peut aller pratiquer sur la pleine mer et la basse mer selon les activités. On est aussi sur un secteur de vent intéressant, les vents dominants sont d’ouest/sud-ouest donc ici on est vent de travers ce qui facilite la navigation. C’est une des raisons pour lesquelles le char à voile s’est beaucoup développé : un espace vide et un secteur de vent intéressant. Et ce qui me plait c’est le mouvement, je n’ai jamais une séance qui ressemble à une autre.

Il y a les horaires de marée qui se déplacent, la plage est différente, la mer est différente… c’est un milieu très complexe, un support de travail très riche. On fait en permanence une lecture de plage et de bord de mer : pour les activités nautiques c’est vraiment ce balancement entre les marées qui est important pour nous, qui va nous donner des indications, pour choisir nos activités ou l’endroit où on va pratiquer…Les bâches, ces petites ressources d’eau très caractéristiques des plages du nord, sont des repères aussi pour nous.  Elles sont propices au char à voile grâce au sable dur sur les bords, mais cela peut être aussi des endroits à risques. Elles se remplissent, et après on se retrouve sur une île, si on est sur les grandes marées cela peut poser des problèmes de sécurité.
J’ai choisi cette photo, car elle représente les activités nautiques, un milieu sauvage derrière, les activités humaines professionnelles avec le parc à moules. A marée basse, elle montre qu’on a de la profondeur. Il y a du mouvement dans la photo.  

Percevez-vous des évolutions de ces paysages littoraux ?

Ce sont des espaces qui sont en permanence en mouvement comme dans les estuaires. Ici on a l’impression que c’est plus calme mais en fait ça bouge à grande vitesse. Même si on regarde simplement la montée et la descente des eaux, on a un vrai mouvement de plage : à certains endroits, la plage va gonfler, à d’autres de petites dépressions vont se créer, les petites bâches, qui se déplacent à chaque marée avec le courant vers le nord.  Ici à Quend, un système de drainage souterrain a été installé en 2012 pour lutter contre la très forte érosion au pied de la digue. Il permet d’aspirer l’eau des bâches qui avec leurs courants contribuent à creuser le terrain. Depuis, la plage s’est un peu engraissée.
On a aussi phénomène d’érosion dunaire très présent. Le sable est rond chez nous, il vole et se déplace à une vitesse folle. Et quand la mer vient raviner au pied des dunes, ça s’effondre. Ça arrive essentiellement l’hiver, à cause du mauvais temps et des grandes marées.  Nous, les acteurs, on voit le recul du trait de côté au fur et à mesure des années. Ici, les dunes ont reculé entre 10 et 15 mètres sur une dizaine d’années. Il y a même eu des hivers à Fort Mahon où ça a reculé de 5 à 6m.  
La fréquentation dans les dunes apporte énormément d’érosion également.  Sur Quend-plage, à marée haute il n’y a pas de baignade, la mer vient jusqu’à la digue, donc les gens ont tendance à migrer vers les dunes. Aux abords de Fort-Mahon plage et Quend-plage sur les 150-200 premiers mètres, on voit les dunes quasi verticales arrachées, car elles sont plus fréquentées. Dès qu’on s’éloigne elles sont bien constituées. Les dunes protègent notre trait de côte, il faut à tout prix les préserver.  On a un très fort risque d’inondation par la Baie d’Authie si le niveau de la mer monte.
La fréquentation touristique a aussi beaucoup évolué depuis 10 15 ans, notamment en termes d’intensité. On a une fréquentation du littoral très marquée selon les saisons, c’est une caractéristique du territoire. En été, la démographie explose. A Fort-Mahon plage, l’hiver c’est une ville fantôme, il y a 1300 habitants, alors qu’en été ça monte parfois à plus de 25 000. Il faut absorber le flux, heureusement qu’on a des grandes plages ! Et c’est devenu une destination week-end notamment pour les Parisiens alors que par le passé, c’était plutôt une destination de vacances à la semaine. Aujourd’hui, on a vraiment des pics de demande en fonction de la météo : si on annonce un beau week-end, on sait qu’on va être débordés par les demandes.

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