Portrait d'un pêcheur au Tréport

Kévin Truchon

Portrait de Kévin Truchon, pêcheur au Tréport, interrogé dans le cadre de l'Observatoire photographique des paysages "la terre vue de la mer".

Qui êtes-vous, et pouvez-vous nous décrire votre lien personnel, professionnel à ce littoral ?

Ça fait 18 ans que je travaille. Avant j’étais au lycée maritime de Fécamp. Ça fait 3 ans que je patronne le bateau. Il s’appelle Gautier Lucile, du nom de mes enfants. Je l’ai racheté au mois de mars (2022). On travaille souvent devant les Tréport, devant les côtes, mais on rentre rarement dans le port. A marée basse, on ne peut pas rentrer dans le chenal. On fait toute la côte depuis Fécamp. On s’éloigne parfois à 20 miles mais la plupart du temps on fait les côtes. Le Tréport est la partie la plus au nord où nous allons.
On sort par tout temps, sauf quand c’est trop mauvais. On ne peut pas non plus sortir quand c‘est les grandes marées, sinon les filets roulent au fond, et on ramasse des cailloux. On pêche au filet, la sole quasiment toute l’année, la seiche et un peu le homard, tout ce qui est poissons plats. On vend notre poisson à la criée de Dieppe, et aux restaurateurs et poissonniers qu’on connaît. On est toujours trois sur le bateau. Moi à la passerelle, un pour tirer les filets à l’arrière et un à l’avant. On sort en général à 3h du matin, et on rentre il est 15/16h, tous les jours. Mon moment préféré c’est le moment où on remonte les filets et où on voit les poissons. Quand on fait 150-200 kg même 120kg, c’est une bonne journée, on peut monter plus mais si le prix chute ce n’est pas intéressant, mieux vaut faire de la qualité que de la quantité.

Kévin Truchon (au centre), pêcheur au Tréport

Kévin Truchon (au centre), pêcheur au Tréport

François David photographe

Kévin Truchon (au centre), pêcheur au Tréport

François David photographe

Falaise d’Ault - hiver 2020

Falaise d’Ault - hiver 2020

François David photographe

Falaise d’Ault - hiver 2020

François David photographe

Qu’est-ce qui selon vous fait la spécificité de ce littoral ? Qu’est ce qui est le plus marquant ?

Tout me plaît dans ces paysages. C’est tous les jours différent. En fonction du temps, de la lumière, le relief change. Ça n’est jamais pareil. Quand il y a du brouillard, on découvre pas à pas, au fur et à mesure qu’on se rapproche. On voit bien la différence des saisons aussi. La végétation se voit à la bonne époque et l’hiver disparaît. Et quand il a neigé, c’est très beau. Tout le littoral, avec les falaises, se ressemble du Tréport jusqu’à Antifer, il est bien conservé. Parfois on distingue des éboulis, la craie est plus blanche. A marée basse, on se repère avec les rochers qui dépassent sur l’estran. Tous les rochers sont repérés sur l’ordinateur. Il faut vraiment arriver à marée basse pour tout voir. Le phare du Tréport est important pour nous depuis la mer, c’est un repère. Souvent sur le phare il y a des gens qui nous accueillent, qui nous prennent en photo. Mais quand on voit le phare c’est qu’on est arrivé, moi je préfère être en mer.

Percevez-vous des évolutions de ces paysages littoraux ?

Ces paysages, tous les ans ça change, avec les éboulis. Les falaises travaillent tout le temps, ça change tout le temps. On le voit au quotidien. Quand il y a du changement, on s’en aperçoit. Depuis la mer, on voit les plus gros, les plus petits sont plus difficiles à repérer.
En 18 ans, la pêche a diminué : on a moins de quantité mais on vend mieux le poisson. Il y a moins de pêcheurs aussi. A Dieppe, on est deux. À Fécamp, ils sont sept ou huit. Ça diminue même sur Boulogne. Là-bas ils ne pêchent plus grand chose, on a peur que ça vienne jusqu’à chez nous. La pêche électrique nous a fait du mal, et aussi les sennes danoise : c’est un filet qui fait un grand cercle, et remue le fond comme un chalutier. Ça fait 1 mile par côté (4 terrains de foot). Par rapport à ce que fait un chalutier classique en 24 h, il faut un quart d’heure pour ces bateaux. On aimerait que ça s’arrête car ça nous fait un peu mal, ils ramassent tout.
On voit aussi un peu plus d’usagers sur la mer qu’avant. Il y a plus de paddle,etc…On voit un peu plus de monde sur l’eau. Mais ça ne change pas vraiment notre pratique. Sauf dans certains endroits où il y a plus de plaisanciers, on ne peut pas travailler comme on veut, et mettre notre matériel.

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