Portrait d'une monitrice de plongée au Club sous-marin de la Côte d’Opale, Brevet d’état deuxième degré de plongée subaquatique

Ingrid Richard

Portrait d'Ingrid Richard, monitrice de plongée au Club sous-marin de la Côte d’Opale - brevet d’état deuxième degré de plongée subaquatique, interrogée dans le cadre de l'Observatoire photographique des paysages "la terre vue de la mer".

Qui êtes-vous, et pouvez-vous nous décrire votre lien personnel, professionnel à ce littoral ?

Je suis brevet d’état deuxième degré de plongée subaquatique, bénévole dans le Club Sous-Marin de la Côte d’Opale, ici à Boulogne-sur-Mer, club affilié à la Fédération Française d’étude et de Sports Sous-Marins. On est un club associatif de 140 licenciés tous bénévoles. Nous proposons des formations à la plongée subaquatique (du débutant jusqu’au monitorat). L’hiver, les cours et l’entrainement physique se déroulent à la piscine municipale de Boulogne. Le club possède un bateau (capacité 16 personnes) et nous effectuons des plongées un peu partout autour de Boulogne, sur des épaves et sur des hauts fonds
J’habite à Wimereux, depuis 1984.

Ingrid Richard, Brevet d’état deuxième degré de plongée subaquatique  - Monitrice de plongée au Club sous-marin de la Côte d’Opale

Ingrid Richard, Brevet d’état deuxième degré de plongée subaquatique - Monitrice de plongée au Club sous-marin de la Côte d’Opale

François David photographe

Ingrid Richard, Brevet d’état deuxième degré de plongée subaquatique - Monitrice de plongée au Club sous-marin de la Côte d’Opale

François David photographe

Pointe anticlinal de la Crèche - été 2020

Pointe anticlinal de la Crèche - été 2020

François David photographe

Pointe anticlinal de la Crèche - été 2020

François David photographe

Qu’est-ce qui selon vous fait la spécificité de ce littoral ? Qu’est ce qui est le plus marquant ?

Les plongeurs sont attirés par les épaves ; elles sont nombreuses sur notre littoral, situées entre 15 et 50 m de profondeur. Mon mari et ses collaborateurs les ont recensées et décrites dans trois livres « Plongées en côte d’Opale » édités par le Comité Départemental 62 FFESSM : Il y a des bateaux de pêche, beaucoup de bateaux de la seconde guerre mondiale, des cargos et des sous-marins de la guerre 14-18.
Le paysage sous-marin face à Boulogne est plutôt caractérisé par des bancs de sable, façonnés par les courants de marée.
Les épaves constituent des abris pour les crustacés (homards, tourteaux, araignées…) et les congres. Les tôles sont colonisées par une faune fixée diversifiée. Des bancs de bars ou de tacauds tournent autour des épaves et se réfugient dans les grandes cales, en ce moment il y a aussi beaucoup de congres. C’est pour l’intérêt faunistique et historique que nous visitons ces épaves.
Notre mer est très riche en plancton et la lumière est absorbée. Lorsqu’on plonge sur une épave, une ambiance particulière s’ouvre à nous.
On approche ces épaves avec respect, ce sont des bateaux qui ont coulé et ont emporté des vies humaines.
Nous plongeons régulièrement sur les Ridens, au milieu de la Manche à 11 milles de Boulogne, entre le rail montant (côté France) et le rail descendant (côté Angleterre, dispositif de séparation du trafic) ; c’est un haut fond, des crêtes rocheuses remontent à 15 m de profondeur. A l’originalité morphologique s’ajoute une originalité hydrodynamique (salinité plus élevée et variations thermiques plus limitées qu’à la côte). La faune est riche et diversifiée et la visibilité est meilleure qu’à la côte. C’est un site classé Natura 2000 en mer.
 

Pour les débutants on organise des plongées dans la rade de Boulogne du côté de la digue Carnot, au niveau des pieux de la passerelle RoRo ou le long de la digue nord, sur des enrochements à 6 m de profondeur. On y observe des homards, des crevettes bouquet, des araignées, donc pour les débutants il y a plein de choses à voir même si la visibilité n’est pas toujours très bonne.
A chaque fois que le bateau sort du port, on admire cette grande falaise impressionnante entre Boulogne et Wimereux et le site de la Pointe de la Crèche. L’anticlinal de la Crèche est une curiosité géologique, composé de grès et d’argiles du Jurassique qui ont été plissés lors des bouleversements tectoniques de l’ère tertiaire. C’est un site naturel classé et protégé. Une colonie de Fulmar boréal niche dans ces falaises.
Au pied de la Pointe de la Crèche, Napoléon avait fait construire en 1803 un fort en mer pour défendre la rade et son camp de Boulogne des attaques britanniques. On peut retrouver quelques gros blocs d’embase.  Le Fort de l’Heurt, construit à la même époque, se dresse encore en face du Portel.
La construction de la digue de la Crèche a commencé en 1878 pour abriter les bateaux transatlantiques d’Amérique qui s’arrêtaient à Boulogne. Différents types d’ouvrages ont été construits pendant les périodes mouvementées de guerre. La construction a été stoppée définitivement suite à une étude hydrologique qui montrait le danger de fermer la Rade. Les rails encore présents permettaient à des wagonnets de transporter des blocs de pierre de Marquise qui étaient descendus par un téléphérique.
Du point de vue géologique, historique et faunistique, cette zone de la « Crèche » est très riche. C’est pour cela que j’ai choisi cette photographie à marée basse.

Percevez-vous des évolutions de ces paysages littoraux ?

On voit l’érosion, régulièrement après des périodes de gel, des pans de falaise tombent. L’anticlinal résiste bien grâce aux couches de calcaire et de grès mais de part et d’autre il y a des endroits où cela s’effondre. Plus au Nord, vers la Pointe aux Oies on voit aussi l’érosion des falaises ; les massifs dunaires, plus fragiles bougent et reculent.
Les fonds sous-marins changent également, modulés par les courants ; les épaves s’ensablent plus ou moins. Tout dépend de la force du courant et des tempêtes.
On observe une diminution des poissons
Antérieurement on voyait beaucoup plus de poissons à proximité des épaves. On ne rencontre plus de grosses morues par exemple. Moins de diversité aussi sur les Ridens de Boulogne. Nous avions dressé des inventaires, il y avait beaucoup d’échinodermes différents, des étoiles de mer, des oursins, des espèces variées que l’on ne rencontre plus. Depuis 2, 3 ans on a aussi constaté la présence de moules qui prennent la place des espèces qui peuplaient ces rochers. On ne sait pas trop pourquoi. Cela m’a inquiété alors je l’ai signalé.
On observe de plus en plus ces modifications d’espèces, ce sont les plus résistantes qui prennent le pas sur les autres.  
Notre mission première c’est de transmettre notre amour de la mer et de faire découvrir la richesse et la fragilité des fonds marins pour inciter à les protéger.

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