Portrait d'un guide et animateur nature à Etaples

Damien Gosselin

Portrait de Damien Gosselin, guide et animateur nature à Etaples, interrogé dans le cadre de l'Observatoire photographique des paysages "la terre vue de la mer".

Qui êtes-vous, et pouvez-vous nous décrire votre lien personnel, professionnel à ce littoral ?

Je suis un « local ». Jusqu’à l’âge de 30 ans environ je suis resté sur le Touquet, ensuite je suis parti un petit peu plus dans les terres mais j’ai toujours eu cette fibre nature en moi, ce qui fait que je me baladais sur la côte, dans l’estuaire et dans l’arrière-pays.
Mon boulot jusqu’à il y a 4 ans n’avait aucun lien avec la nature ; j’étais commercial dans un dépôt de presse. Suite à un licenciement économique je me suis reconverti. J’ai repris des études, ai passé une licence de gestion de l’environnement et cherché du travail que je n’ai pas trouvé dans ce domaine malgré tout ce que l’on peut penser. Je suis devenu cariste chez Purina à Marconnelle et ici sur la commune d’Etaples, un poste de guide nature s’est libéré. J’ai postulé et j’ai été retenu. Cela fait maintenant trois ans que je travaille ici et normalement, je serai titularisé à la fin de l’année.
La baie, je la pratique de plusieurs manières :  au travers de mon travail d’animateur nature avec les scolaires et guide nature tout public et de photographe animalier amateur.
La majorité de mes sorties en animation nature (avec des enfants) elles ne se font pas dans la baie. Pour les locaux dans le cadre des classes natures, nous y allons que pendant l’été. Le reste du temps on reste dans la Réserve Naturelle de la Baie de Canche car entre l’entrée de la Réserve et la baie on a presque 45min de marche. Il ne resterait plus beaucoup de temps pour faire une animation. Pour la sortie été qui a lieu au mois de mai, nous partons la journée complète, on pique-nique sur place.
En tant que guide nature (hors scolaire), on fait également des sorties kayak-nature avec découverte des milieux, des plantes et de la faune. Ce n’est pas une sortie pour aller voir les phoques car on ne souhaite pas les déranger. On souhaite limiter les impacts du tourisme sur la baie.
 

Damien Gosselin, guide et animateur nature à Etaples

Damien Gosselin, guide et animateur nature à Etaples

François David photographe

Damien Gosselin, guide et animateur nature à Etaples

François David photographe

L’attraction relative aux sorties natures a évolué après le COVID. La demande de nature a bondi de manière exponentielle. C’est flagrant. Avant le COVID la réserve était fréquentée mais sans plus, après le COVID j’ai vu les parkings qui se remplissaient.  Il y a de plus en plus de gens qui fréquentent l’estuaire. Ici la baie est petite, il y a assez peu d’accidents et on a toujours un œil pour essayer de les éviter. Là où l’on a le plus d’accidents c’est au niveau de la vasière au Touquet. Les gens vont se balader dans l’estuaire et ils se prennent dans la vase. La morphologie de l’estuaire est changeante, une année on peut passer par un endroit et l’année suivante ce n’est plus possible, c’est cela qui peut être dangereux. On rappelle toujours qu’il faut bien regarder l’horaire des marées.
Je fais également de la photographie animalière et j’aime aller dans la baie prendre mes photos. Je gère les échouages de mammifères marins. Les échouages d’animaux marins, c’est part période. Parfois je vais avoir plusieurs mois sans en avoir et puis sur une semaine je vais en avoir 3 ou 4. C’est un peu bizarre, peut-être en fonction des courants.
Lorsque les animaux sont morts, les communes sont obligées de les évacuer du domaine public maritime. On prend des mensurations, on fait des nécropsies lorsqu’ils ne sont pas trop « faisandés ». On ouvre, on regarde, on fait certains prélèvements. Lorsqu’ils vivants en bonne santé, généralement on fait juste de la surveillance pour qu’ils ne soient pas trop embêtés par les promeneurs, éviter que les gens s’approchent de trop, c’est compliqué surtout quand ce sont des jeunes phoques. Les gens veulent parfois à tout prix remettre les animaux à l’eau, ce n’est pas toujours bon pour eux, ça peut être fatale parfois. Dimanche par exemple j’ai été appelé au Touquet pour un jeune phoque. Si on le laisse sur la plage on va avoir rapidement 200, 300 personnes c’est ingérable pour les gardes. Dans cette situation, nous l’avons déplacé dans le cœur de baie pas loin de ses congénères, au calme.

Eoliennes et cerfs volants, rive nord de la Canche - hiver 2020

Eoliennes et cerfs volants, rive nord de la Canche - hiver 2020

François David photographe

Eoliennes et cerfs volants, rive nord de la Canche - hiver 2020

François David photographe

Qu’est-ce qui selon vous fait la spécificité de ce littoral ? Qu’est ce qui est le plus marquant ?

On va avoir une certaine monotonie de paysages, si ce n’est la marée haute et la marée basse qui va modifier ce paysage. Au niveau de couleurs ici dans l’estuaire, l’été c’est sympa quand il y a la Statice, le Lilas de mer, où du coup il va y avoir une couleur violette. C’est super sympa. Après on a la chance de voir des lumières de dingue qui donnent des ambiances différentes d’une journée sur l’autre. Que l’on ait un ciel couvert et une lumière rasante on va avoir des tons très sombres ou à l’inverse des tons supers clairs lorsque l’on a une tempête de sable. On n’a pas mal d’ambiances différences. Pour la photo je préfère sortir quand il y a beaucoup de vent et du sable qui vole.

Percevez-vous des évolutions de ces paysages littoraux ?

Une baie, naturellement, est censé se combler. C’est un phénomène naturel que l’on s’entête à vouloir contrer. Et encore on n’a pas eu le projet du port du Touquet qui devait se faire il y a quelques années et qui revient régulièrement à l’ordre du jour. Le projet visait à démolir la route de corniche et construire à la place une marina. Mais avec les problèmes d’ensablement cela aurait été difficilement gérable, et puis pourquoi vouloir urbaniser à tout prix ?
Les éoliennes sont présentes mais on s’y habitue, elles datent je crois des années 90. Elles ne sont pas plus dérangeantes que les enrochements face au Touquet au niveau de la pointe, ils datent à peu près de la même époque. Les éoliennes ne me choquent pas. A la limite ce qui me dérange c’est qu’elles ne fonctionnent plus, elles doivent être renouvelées. Mais c’est un des premiers parcs éoliens installé dans la région. J’aurais peut-être eu un discours différent il y a 20 ou 30 ans…

Le paysage ne va pas forcément changer beaucoup si ce n’est du fait des marées et des lumières. Au fil des saisons il y a les oiseaux qui passent et s’arrêtent dans la baie, des espèces régulières, qui reviennent chaque année, les migrateurs et parfois on va observer des espèces exceptionnelles. Il y a deux ans nous avons eu un Pygargue qui est resté quelques semaines. Lors d’une sortie en Kayak, un Balbuzard pêcheur était en train de pêcher à 20m juste devant nous. C’est super sympa de voir tout cela dans la baie et de le partager. La richesse de l’estuaire, y aller sans savoir ce que l’on va voir. C’est la nature, on n’est jamais sûr de voir ce que l’on est parti observer ou photographier !  

Découvrez les autres portraits